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« Le peintre de l'engagement. »

Ghyslain Picard

Chef de l'assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador

Depuis plus de 35 ans, André Michel met son talent d'artiste au service des Premières Nations. Témoin privilégié de son œuvre, je n'ai pas été surpris lorsque j'ai appris qu'il travaillait sur une exposition franche et inédite sur l'impact de la Compagnie de la baie d'Hudson dans la vie des Premières Nations du Canada. Cette exposition a représenté un fabuleux grain de sel, malheureusement demeuré trop bien caché, dans les activités entourant les diverses fêtes commémorant les actions de Samuel de Champlain au Québec. Accompagnés de courts textes, les tableaux dénoncent efficacement les actions de la multinationale britannique qui, comme le dit André Michel « ...était plus désireuse d'enregistrer des profits que d'écrire l'histoire ».

L'histoire de la Compagnie de la baie d'Hudson est douloureuse pour nos Nations. Avec une vision raciste de nos peuples, conjuguée à une politique de négation de nos droits (Terra Nulius), la politique officielle de la CBH était de reconnaître aux « tribus sauvages » aucun droit, mais plutôt de les utiliser dans le seul but d'accroître les profits du commerce de la fourrure. Nos terres appartenaient intégralement au roi, et les « sauvages » étaient considérés comme des sujets du roi soumis aux bons loisirs des dirigeants de la CBH.

Plusieurs personnes ont oublié (ou jamais appris) que le Canada d'aujourd'hui est intimement lié à l'histoire de la Compagnie de la baie d'Hudson, dont les activités commerciales auront structuré les fondations des relations entre les Peuples premiers et les nouveaux arrivants. Le commerce des fourrures et les échanges inégaux que mènent La Baie, ont bouleversé nos sociétés de façon irrévocable. Ce que nous sommes aujourd'hui est aussi le fruit de ces échanges que nous illustre André Michel

C'est probablement La Baie qui la première initiera nos peuples à l'économie de marché. À partir de ce moment, comme le dit André Michel, nous sommes devenus »prisonniers d'une mécanique implacable » nous conduisant à l'appauvrissement et à la dépendance. Parallèlement, La Baie s'enrichissait...

Elle ne nous a pas seulement échangé des couvertures, elle nous a aussi apporté des épidémies, guerres, dépossession, alcoolisme et autres dépendances. Elle a surtout servi de formidable outil de colonisation, voire d'assimilation. Au terme de plusieurs décennies d'échanges, les conséquences ont été dévastatrices.

Malgré une politique ouvertement d'assimilation, malgré la fameuse Loi sur les Indiens (Acte des Sauvages), malgré la tutelle, les pensionnats, nous existons toujours. Aujourd'hui je suis très fier de dire que la Compagnie de la baie d'Hudson, tout comme les 400 ans de colonialisme canadien, n'auront pas eu notre peau. Les Premières Nations sont toujours bien vivantes et fières de ce qu'elles sont.

Je salue le peintre engagé et son apport à combattre les perceptions négatives qui nous affectent. Et, quelle meilleure façon de la faire que par les arts? André Michel sait si bien allier beauté et vérité. Ses toiles ont aussi un côté extrêmement positif puisqu'elles nous enseignent les différents métiers des Innus : pêche, chasse, fabrication d'objets utilitaires, le tout peint dans un souci de sensibilisation populaire. Souhaitons que ces enseignements contribuent au développement d'une meilleure compréhension de nos Nations

Ghislain Picard

Préface du catalogue de l'exposition itinérante « J'aurai ta peau ».